MICROPLASTIQUES : En France sur 33 échantillons, 3/4 des sols analysés contaminés
400 millions de tonnes de déchets plastiques sont générées chaque année dans le monde[1]. En Europe, ce chiffre s’élève à 29,5 millions de tonnes, et à 3,7 millions de tonnes en France. Jusqu’à présent, la contamination environnementale par les microplastiques (MP) est surtout associée à la pollution des milieux aquatiques. Chaque année dans le monde, entre 4 et 15 millions de tonnes finissent ainsi dans les océans, générant 1,5 millions de tonnes par an de microplastiques. L’étude « Microplastiques présents dans les produits résiduaires organiques » et les résultats du projet MICROSOF de l’ADEME révèlent que les milieux continentaux sont également touchés. En particulier, cette étude montre que sur 33 échantillons de sol examinés en France, les trois quarts des sols français sont contaminés par des microplastiques, dont 70 % mesurent moins de 2mm.
« Face aux enjeux environnementaux croissants, il est impératif d’approfondir nos connaissances sur la contamination de l’environnement par de nouveaux polluants, tels que les microplastiques. L’objectif est de caractériser les contaminations courantes et d’en identifier les sources, afin de mettre en place un plan d’actions efficace. » Isabelle Deportes, ingénieure impacts sanitaires et écotoxicologiques de l’économie circulaire à l’ADEME.
La préservation et la restauration de la santé des sols constituent un axe majeur pour faire face aux enjeux climatiques et de préservation de la biodiversité. Dans ce contexte, l’ADEME accompagne divers acteurs impliqués dans la gestion des sols au travers de multiples actions : c’est notamment le cas du GIS sol, un groupement d’intérêt scientifique mis en place avec INRAE, l’IRD, l’IGN, le BRGM, l’OFB, qui met en œuvre le Réseau de Mesures de la Qualité des Sols, un outil de surveillance des sols à long terme.
Trois quarts des 33 échantillons de sols examinés contaminés par les microplastiques
Le projet MICROSOF[1], mené par INRAE et l’IRDL, a investigué 33 sols français prélevés dans les plus de 2000 échantillons du Réseau de Mesure de la Qualité des Sols (RMQS), parmi lesquels 21 étaient issus de sols de grandes cultures, 4 de prairies, 4 de vignes et vergers et 4 issus de forêts. Ils sont répartis sur l’ensemble du territoire métropolitain.
Sur cet échantillons, 76 % des sols examinés sont contaminés par des microplastiques, compris entre 315µm et 5mm appartenant majoritairement au polyéthylène (PE), la matière plastique la plus commune. La distribution des tailles des particules retrouvées montre que 70% des microplastiques sont inférieurs à 2mm. En moyenne, les sols analysés contiennent 15 particules de microplastiques par kg de sol sec. Ces premiers résultats doivent être confirmés avec des analyses de plus nombreux sols français, en intégrant notamment les sols urbains et des sols collectés en outre-mer.
Si, lors des échantillonnages, le RMQS a recueilli des données descriptives des activités associées aux sols, elles ne permettent pas pour autant d’identifier la source des microplastiques.
Les matières organiques fertilisantes participent à la présence de microplastiques dans les sols
Afin de caractériser les microplastiques prélevés dans les sols français, l’ADEME a analysé 21 familles de matières organiques fertilisantes : desboues de stations d’épuration, des déchets verts, divers composts dont issus de tri mécano-biologique (TMB)[2] des ordures ménagères résiduelles, divers digestats et des effluents d’élevages et agricoles.Pour ce travail de recherche, un groupe particulier a été intégré : les pulpes de déconditionneurs[3]. Sur 167 échantillons analysés, 166 comprenaient des microplastiques.
Par ailleurs, ce projet de recherche révèle que les polymères (PS, PE, PP et PET), qui sont majoritaires dans les emballages, sont les plus fréquemment retrouvés dans ces échantillons. Comme pour le projet MICROSOF, plus de 70% des microplastiques sont inférieurs à 2mm, sous le seuil prévu dans le cadre de la réglementation européenne sur les matières fertilisantes et supports de culture fixé à 2mm.
Cette étude montre que les matières issues de déchets traités par TMB sont les plus contaminées avec un apport moyen d’environ 60 000 particules par kg de sol (par /kg de matière sèche). Les matières issues de fumiers ou lisiers sont les moins contaminées. Enfin, les pulpes de déconditionneurs présentent des concentrations variables en microplastiques, certains équipements générant de fortes présences de microplastiques.
Les recommandations de l’ADEME, pour lutter contre les microplastiques
Alors que les études de l’ADEME dans les milieux solides, comme les sols ou les matières organiques fertilisantes, montrent une contamination quasi systématique, l’ADEME a dressé plusieurs recommandations pour lutter efficacement contre la pollution microplastique.
Le retour au sol des matières organiques (y compris urbaines) est un enjeu fort de l’économie circulaire et de la transition agroécologique et climatique, puisqu’elle permet de réduire le recours aux engrais de synthèse et de favoriser le retour au sol du carbone et de l’azote, indispensables à leur santé (micro-organismes…) et aux services écosystémiques rendus (stockage de carbone, filtrage et rétention d’eau, fertilisation). L’ADEME rappelle toutefois que la préservation de la qualité de sols est un enjeu majeur. L’innocuité des épandages est un objectif du Socle Commun sur les matières fertilisantes, et du cadre de surveillance sur la santé des sols. Il est donc nécessaire de réduire les quantités de plastique et d’améliorer le tri à la source. L’ADEME recommande donctout d’abord de réduire l’utilisation des plastiques dans les emballages et d’améliorer la collecte séparée et le tri des (bio)déchets afin de réduire les ordures ménagères résiduelles et valoriser les biodéchets de manière agronomique.
L’ADEME rappelle l’importance du respect des bonnes pratiques en matière d’équipement de déconditionnement, ainsi qu’une évolution de ces équipements afin d’améliorer sensiblement la qualité des pulpes qui en sont issues.
Par ailleurs, l’ADEME recommande de continuer à soutenir l’innovation pour identifier les solutions qui pourraient permettre à terme une diminution, voire une élimination complète des microplastiques présents dans les matières organiques fertilisantes.
De plus, l’ADEME recommande de réduire l’épandage des Produits Résiduaires Organiques (PRO) issus des traitements mécano-biologiques avant l’interdiction réglementaire de 2027, et de continuer à explorer l’intérêt de l’utilisation des paillages agricoles biodégradables en substitution de plastiques recyclables, en lien avec les résultats de l’étude l’étude BIOMALEG[4] . Elle recommande également d’améliorer l’encadrement normatif relatif aux films biodégradables.
Par ailleurs, l’ADEME appelle à une meilleure connaissance de la composition chimique des plastiques et de leurs additifs[5] essentielle pour prévenir leur dispersion environnementale. Enfin, il est également nécessaire d’accélérer la recherche sur le devenir des microplastiques et nanoplastiques dans l’environnement terrestre, ainsi que d’évaluer leurs impacts potentiels sur la santé humaine et l’écosystème. L’ADEME accompagne des projets de recherche en ce sens.
« Ces recommandations rejoignent les connaissances scientifiques déjà abouties sur les milieux aquatiques notamment. Toutefois, la mesure des impacts pour la santé humaine et pour la santé de l’environnement de la contamination terrestre est en cours d’acquisition » Isabelle Deportes, ingénieure impacts sanitaires et écotoxicologiques de l’économie circulaire à l’ADEME.
[2] Porté par l’IRDL (Institut de Recherche Dupuy De Lôme)
[3] Ce tri automatisé appliqué sur les OMR la « poubelle grise » vise à isoler des fractions de matériaux plastiques, métalliques ou organiques. La fraction organique reçoit un traitement par méthanisation et compostage. Ce tri des ordures ménagères est rare et une interdiction d’épandre ces composts en 2027 est prévu par la Loi AGEC
[4] Les déconditionneurs sont des équipements utilisés pour éliminer les emballages de déchets emballés lorsque ces derniers sont dans une filière de valorisation organique (par exemple pour des denrées emballées périmées).
[5] Comme, par exemple, les plastifiants et les PFAS
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