AVIS DE L’ADEME : QUELS LEVIERS POUR UNE TRANSITION ENERGETIQUE ROBUSTE FACE A LA DÉPENDANCE EN MATERIAUX ?
Sortir des énergies fossiles repose sur deux leviers centraux : la réduction de notre consommation énergétique par la sobriété et l’efficacité, et le développement des énergies renouvelables (EnR) et du nouveau nucléaire. Si ces dernières sont de plus en plus compétitives et vont permettre de réduire nos importations de fossiles, leur déploiement, ainsi que celui des autres technologies de la transition comme les véhicules électriques, soulèvent un enjeu majeur : l’augmentation drastique des besoins en matières premières dont certaines sont critiques. Ainsi, l’ADEME publie ce jour, avec l’appui de l’OFREMI (Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles), son AVIS « Transition énergétique et matériaux stratégiques : dépendances, sobriété et recyclage », qui présente les défis et les stratégies nécessaires pour assurer une transition énergétique robuste et durable.
La dépendance croissante aux métaux et minéraux pour la transition énergétique
La transition énergétique permet de réduire notre empreinte carbone et notre dépendance aux importations de ressources fossiles. Le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) soumis à consultation vise par exemple à passer de 60% d’énergie fossile en 2022 à environ 60% d’énergie bas carbone en 2030. La transition énergétique consiste d’une part à réduire notre consommation d’énergie (démarches d’efficacité énergétique et de sobriété) et d’autre part à développer les énergies renouvelables (EnR) et décarbonées. Les analyses économiques montrent une compétitivité des EnR en amélioration constante et une capacité à mieux résister aux fluctuations importantes du marché que les énergies fossiles, qui sont notamment dépendantes des tensions géopolitiques.
Ces installations nouvelles sont néanmoins consommatrices de matières premières qu’il faut évaluer et gérer. Avec le développement des énergies renouvelables, la France est amenée à mobiliser davantage de ressources minérales, dont certaines sont critiques et stratégiques, pour construire les infrastructures énergétiques tel que l’éolien, le photovoltaïque ou les batteries des véhicules électriques. La transition énergétique va générer une augmentation de nos besoins pour certains métaux et minéraux dans les prochaines années, qui s’amplifiera au cours des prochaines décennies. D’après l’AIE, la demande mondiale en métaux devrait quadrupler entre 2020 et 2040 pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ; selon les métaux, la demande pourrait être multipliée entre 7 à 42 fois entre 2020 et 2040.
En parallèle, il pourra être observé la baisse – voire l’abandon pour certains secteurs – d’utilisation des énergies fossiles dont les dérivés du pétrole au profit de vecteurs énergétiques alternatifs au premier rang desquels l’électricité à faible contenu carbone. Même si elles mobilisent des matières à importer pour leur fabrication, les nouvelles énergies fonctionnent ensuite sans générer de nouvelles dépendances.
La France et l’Europe sont dépendantes des métaux nécessaires à la transition énergétique. La dépendance est liée pour certains métaux à des gisements très localisés, voire aux monopoles de certains pays sur tout ou partie de la chaine de valeur de l’extraction et du raffinage des métaux. La Chine, concentre actuellement environ les deux tiers des capacités mondiales de traitement/raffinage des principaux minéraux stratégiques. Les tensions d’approvisionnement pour les matières concernées par le déploiement des infrastructures énergétiques sont très variables selon les matières et à analyser au regard des dimensions géologiques, géopolitiques, économiques, environnementales et sociales.
Le recyclage : une solution indispensable mais insuffisante à court et moyen terme
Face à cette forte hausse attendue de la demande de matériaux et de métaux, l’optimisation du recyclage est indispensable, mais insuffisante pour répondre aux besoins. Certains métaux étaient peu exploités jusqu’à maintenant : lithium – cobalt pour les batteries ; silicium pour le PV ; terres rares pour les aimants permanents. Ces éléments sont peu présents sur le territoire et dans les infrastructures ou équipements existants, et les quantités qui pourraient être issues du recyclage seront insuffisantes à moyen terme.
D’autres éléments, comme le cuivre ou l’aluminium, sont sous tension du fait d’un besoin important pour l’électrification des usages alors que les quantités importantes déjà présentes dans les infrastructures existantes vont rester immobilisées pour des délais longs pour le réseau électrique.
Enfin, la complexité des objets et notamment la dilution de certains « petits » métaux ne permettent pas de générer des flux de métaux recyclés suffisants pour faire face à la demande ou pour que le recyclage soit économiquement viable. Ces facteurs, à court et moyen terme, ne permettent pas au recyclage de répondre aux besoins croissants en matières nécessaires à l’atteinte des objectifs environnementaux fixés. Cependant il est indispensable de développer une filière de collecte et de recyclage européenne pour ces matières car l’augmentation du recyclage des matières critiques pourrait diminuer le besoin en matières primaire vierges de 25 à 40% en 2050.
La sobriété et l’exploitation de nouveaux gisements : leviers complémentaires
Pour réussir la transition énergétique, il faudra également réduire la consommation de matières et exploiter d’autres gisements. L’Union européenne s’est engagée en faveur de l’ouverture de mines en Europe dans le cadre du Critical Raw Materials Act. Ce règlement rappelle l’importance d’une planification concertée avec toutes les parties prenantes et insiste sur la prise en considération et la gestion à long terme des impacts environnementaux. L’ouverture de mines en Europe s’inscrit également dans un cadre social plus respectueux des conditions de travail et permettra ainsi d’éviter des dérives qui peuvent avoir lieu dans des pays ne respectant pas les droits de l’Homme et de l’enfant. L‘exploitation et la transformation de ressources minérales a des impacts environnementaux, sanitaires, économiques et sociaux qu’il faut prendre en compte pour les objectiver et gérer au mieux les externalités positives et négatives.
Il est important de continuer à améliorer la gestion des impacts et les conditions d’exploitation des mines et de raffinage des minerais en Europe et dans le monde, notamment pour la biodiversité et les enjeux sociaux. Une planification et une régulation attentive et éclairée est nécessaire pour accompagner des trajectoires de transition qui s’appuie sur des objectifs de développement durable qu’il faut gérer de façon systémique. Plus globalement cette amélioration doit se faire sur toute la chaine de valeurs de la matière, recyclage inclus, car celui-ci comme toute activité industrielle a des impacts sur l’environnement.
Le levier principal de diminution des consommations de matières vierges reste la sobriété. Dans les scénarios prospectifs de l’ADEME, l’effet de la sobriété est très fort pour le secteur de l’électricité et de la mobilité légère avec des consommations de cuivre qui doublent et des consommations en lithium qui triplent entre le scénario le plus sobre et le scénario le moins sobre en 2050. Pour limiter les tensions d’approvisionnement qui pourraient ralentir la transition énergétique, il est donc primordial de favoriser la sobriété, en mettant en place des politiques publiques adaptées (par exemple pour encourager à limiter la taille des voitures ou des batteries).
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