Ces 4 et 5 décembre, l’Observatoire National de la Précarité Energétique réunit pour son 5ème colloque à Lyon ses 30 partenaires, des politiques, des responsables de structures sociales, des personnalités, des experts et des professionnels de l’habitat et de la rénovation, de l’accompagnement, de l’énergie, de la santé et de la mobilité. Ces deux journées permettent à ces acteurs d’échanger sur la précarité énergétique et la transition juste. A cette occasion, l’ONPE édite un tableau de bord qui propose une photographie complète de la situation des ménages en précarité énergétique en France.
Qu’est-ce que la précarité énergétique aujourd’hui en France ?
Phénomène multiforme, la précarité énergétique s’évalue tout d’abord en considérant le poids des dépenses énergétiques des ménages dans leur logement : le taux d’effort énergétique considère un ménage en situation de précarité énergétique lorsque les dépenses d’énergie de son logement sont supérieures à 8% de son revenu, et qu’il appartient aux 30% des ménages les plus modestes. D’après les estimations du Commissariat Général au Développement Durable, ce sont 3,2 millions de ménages français qui étaient en 2022 (derniers chiffres disponibles) en précarité énergétique, soit 10,8 % de la population[1]. Ce chiffre, en baisse (-1point) par rapport à 2021, s’explique notamment par les conditions climatiques clémentes de l’année 2022, ainsi que par les mesures de soutien au pouvoir d’achat (chèques énergie, boucliers tarifaires) prises par le gouvernement dans le cadre de la crise énergétique. En effet, sans les boucliers tarifaires, le taux de précarité énergétique aurait augmenté et se serait élevé à 13,8%. Le bouclier tarifaire sur le gaz s’est achevé mi 2023 compte tenu de la baisse des prix sur les marchés. Pour l’électricité, le Gouvernement a engagé en 2024 la fin progressive du bouclier tarifaire qui se terminera le 31 janvier 2025.
La situation a cependant évolué depuis deux ans. Le gaz, avec lequel un tiers des ménages chauffent leur logement, a vu son prix augmenter de 20 % en 2023 après une augmentation de 25 % en 2022. Le prix de l’électricité augmente de 7 % en 2022 et de 14 % en 2023. Le gaz et l’électricité représentent près de 80% de l’énergie consommée dans le logement.
Dans ce contexte, selon le baromètre du médiateur national de l’énergie (MNE)[2], 85% des foyers français estiment en 2024 que les factures d’énergie sont un sujet de préoccupation majeur, et 82% que les factures représentent une part importante dans les dépenses du foyer. 75% déclarent avoir restreint leur chauffage pour ne pas avoir de factures trop importantes, et 28% ont rencontré des difficultés à payer leurs factures d’énergie. 1 million de ménages (+ 3 %) ont subi une intervention (coupure de courant ou réduction de puissance) d’un fournisseur d’énergie en 2023 à la suite d’impayés.
Si la précarité énergétique se matérialise souvent par des factures trop élevées, elle peut également se traduire par des phénomènes de restriction dans le logement. Toujours selon le baromètre du MNE, 30% des ménages déclarent ainsi avoir souffert du froid à leur domicile lors de l’hiver 2023-2024 ; cette proportion a plus que doublé depuis 2020. 41 % des Français qui ont eu froid en 2023-2024 l’expliquent par la nécessité de limiter le chauffage pour des raisons financières.
Enfin, la multiplication des périodes estivales de forte chaleur conduit à s’intéresser à la précarité énergétique d’été. 42% des ménages déclarent avoir souffert d’un excès de chaleur au cours de l’été 2024. Si la première explication relève de la température extérieure, 26% des personnes concernées mentionnent également la mauvaise isolation de leur logement, et 12% une mauvaise ventilation.
Être en précarité énergétique aujourd’hui, c’est aussi rencontrer des difficultés à se déplacer en raison de prix des carburants trop élevé pour son budget. Les tensions géopolitiques liées à la guerre en Ukraine et la fin des remises à la pompe ont maintenu les prix à un niveau élevé en 2023. Ainsi, même si la situation s’est améliorée en 2024 grâce à la baisse des prix internationaux des produits pétroliers en 2023, 10 % de la population est en « précarité carburant » (7 % en 2021). Il s’agit des personnes qui ont un bas revenu, des dépenses en carburant élevées et /ou qui doivent déjà restreindre leurs déplacements[3].
Si la mobilité électrique est une solution économique dans son usage, son développement est encore entravé par le cout d’achat de ces véhicules, que les dispositifs comme le leasing social ne suffisent pas à limiter.
Quelle politique de rénovation pour les plus modestes ?
En parallèle, la politique de rénovation du gouvernement permet d’amorcer des évolutions : en 2023, MaPrimeRénov’ Sérénité[4] a été attribuée à 30 166 propriétaires occupants (dont 72 % de ménages très modestes). Le nombre de dossiers diminue de 12 % par rapport à 2022, mais le montant moyen octroyé (15 590 €) continue d’augmenter (+ 850 €). En 2023, les rénovations globales aidées par l’ANAH ont augmenté de 9% par rapport à l’année précédente. Les barèmes ANAH ont évolué au 1er janvier 2024, permettant une prise en charge des travaux jusqu’à 90% des travaux pour les revenus les plus modestes dans le cadre de MaPrimeRénov’ Parcours accompagné destiné à des rénovations ambitieuses (saut de deux classes de DPE).
Un outil de géolocalisation de la précarité énergétique au service des territoires
Enfin, un travail partenarial de l’ONPE avec la Délégation Interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté a permis la mise à jour de GEODIP, l’outil cartographique gratuit de géolocalisation de la précarité énergétique. Cet outil répond aux besoins des acteurs territoriaux, des associations locales d’identifier le phénomène de précarité énergétique sur leur territoire. Un diagnostic territorial personnalisé peut être téléchargé.
L’ensemble de ces travaux sont à découvrir lors du colloque de l’ONPE qui se tiendra à l’Espace de l’Ouest à Lyon le 5 décembre 2024 et en ligne via le site internet de l’ONPE.
Les 7 nouvelles publications de l’ONPE sont à retrouver sur son site Internet :
- Le tableau de bord de l’ONPE (décembre 2024)
- Freins et leviers dans le traitement des dossiers d’aides aux travaux de rénovation énergétique des ménages précaires (Juin 2024)
- Outils de financement des travaux pour les plus modestes (Octobre 2024)
- Mettre en mouvement les petites copropriétés guide pratique (Septembre 2024)
- Tout savoir sur les aides financières pour prévenir et traiter la précarité énergétique (27 fiches synthétiques)
- Découvrez la nouvelle version de l’outil GEODIP
- Précarité énergétique et excès de chaleur
- Les ménages ayant eu froid dans l’Enquête nationale logement de 2020
- La précarité énergétique dans les enquêtes nationales logement de 2006 à 2020
[1]https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/publications/thema_essentiel_31_precarite_energetique_2022_mai2024.pdf
[2] Enquête réalisée par l’institut d’études .becoming du 10 au 26 septembre 2024 auprès d’un échantillon représentatif de 2 007 foyers français interrogés par voie électronique
[3] Wimoov (2024)
[4] MaPrimeRénov’ Sérénité est un dispositif d’accompagnement et de financement pour aider les ménages aux ressources modestes dans leur projet de rénovation énergétique.